Le Manquement et le Délit d’Initié : Principe d’Abstention

La réglementation actuelle, principalement encadrée par le Règlement européen sur les abus de marché (MAR) et le Code monétaire et financier (CMF) en France, établit un cadre strict pour prévenir l’utilisation abusive d’informations privilégiées, notamment à travers l’obligation d’abstention et la mise en place de listes d’initiés.

I – Définition et Sanctions

Le principe fondamental est que toute personne disposant d’une information privilégiée doit s’abstenir de réaliser des opérations sur les instruments financiers concernés tant que cette information n’a pas été rendue publique.

* Définition de l’Information Privilégiée : Aux termes du Règlement MAR (Article 7), il s’agit d’une information à caractère précis, qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer1 de manière sensible le cours de ces instruments financiers ou d’instruments financiers qui leur sont liés.

* Sanctions Pénales (Délit d’initié) : L’Article L. 465-1 du Code monétaire et financier punit le fait, pour toute personne disposant d’une information privilégiée (initié primaire ou secondaire), de réaliser ou de permettre sciemment de réaliser une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations.

– Peines : Cinq ans d’emprisonnement et 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage retiré du délit, sans pouvoir être inférieur à cet avantage.

* Sanctions Administratives (Manquement d’initié) : L’Autorité des marchés financiers (AMF) peut prononcer des sanctions administratives (manquement d’initié), conformément au Règlement MAR et au CMF, pour l’usage ou la divulgation illicite d’information privilégiée. Ces sanctions peuvent se cumuler avec les sanctions pénales dans le cadre du principe « ne bis in idem » (non-cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives pour les mêmes faits) et sont encadrées par la jurisprudence.

II – La Fin de l’Obligation d’Abstention

L’obligation d’abstention prend fin dès que l’information privilégiée est rendue publique de manière effective, intégrale et adéquate, conformément à l’Article 17 du Règlement MAR. Les émetteurs doivent s’assurer que l’information est diffusée simultanément à l’ensemble du marché afin de garantir l’égalité des investisseurs.

III – L’Obligation d’Établir des Listes d’Initiés

L’émetteur est soumis à une obligation légale d’établir et de tenir à jour des listes d’initiés, conformément à l’Article 18 du Règlement MAR et à l’Article L. 451-4 du CMF.

But des Listes d’Initiés

Les listes d’initiés sont un outil clé pour l’émetteur et pour l’AMF :

– Elles permettent à l’émetteur de contrôler le flux d’informations et de s’assurer que les personnes concernées connaissent leurs obligations.

– Elles facilitent les enquêtes de l’AMF en cas de soupçon d’abus de marché.

Catégories et Format

L’obligation de tenir une liste s’applique à l’émetteur lui-même ou à toute personne agissant en son nom ou pour son compte (par exemple, des conseils externes, des agences de notation).

  1. Liste d’initiés par Opération (Requis) :

– C’est la forme standard et la plus fréquente. Une liste spécifique doit être créée pour chaque information privilégiée.

– Elle doit inclure toutes les personnes (dirigeants, employés, consultants, avocats, etc.) ayant accès à cette information, et ce, dès l’instant où l’information est qualifiée de privilégiée.

  1. Liste des Initiés Permanents (Optionnel) :

– L’émetteur peut également créer une section distincte pour les personnes qui, de par la nature de leurs fonctions (par exemple, le Directeur Général, le Secrétaire Général, certains membres du Conseil), ont accès en permanence à l’ensemble des informations privilégiées de l’émetteur.

Contenu de la Liste : La liste doit notamment comporter (selon l’article 18 MAR) :

– Le nom, prénom, nom de naissance, date de naissance, adresse professionnelle et personnelle de la personne.

– La raison pour laquelle la personne est initiée (sa fonction).

– La date et l’heure auxquelles elle a obtenu l’accès à l’information privilégiée.

– Les coordonnées professionnelles et personnelles (téléphones, e-mail).

Les listes doivent être conservées pendant au moins cinq ans après leur établissement ou leur mise à jour.

Organisation de l’Embargo sur les Informations Privilégiées

L’émetteur doit mettre en place des mesures organisationnelles et administratives (souvent appelées « embarco » ou « murs d’information ») pour assurer la confidentialité des informations privilégiées.

La « Fenêtre Négative » (Black-out Period)

L’émetteur doit définir des périodes, dites de « fenêtres négatives » (black-out periods), durant lesquelles certaines personnes (notamment les dirigeants et les personnes qui leur sont étroitement liées) doivent s’abstenir de toute transaction sur les titres de l’émetteur.

* Obligation Réglementaire (Article 19 MAR) : Une période d’interdiction de 30 jours est imposée avant l’annonce d’un rapport financier intermédiaire ou d’un rapport de fin d’exercice que l’émetteur est tenu de publier.

* Mesures Internes : Les émetteurs mettent souvent en place des périodes d’interdiction plus larges ou supplémentaires, spécifiquement liées à la détention d’une information privilégiée particulière ou à l’approche d’événements majeurs, afin de prévenir tout risque.

* Mesures de Confidentialité

L’émetteur doit veiller à la confidentialité de l’information privilégiée, y compris lorsqu’il décide d’en différer la publication (Article 17 MAR). Cela implique :

– La mise en place de procédures internes strictes pour l’accès aux documents et serveurs.

– L’utilisation de mots de passe et de systèmes de traçabilité.

– La sensibilisation et la formation régulière des dirigeants et employés sur les risques et obligations liés aux abus de marché.

Clause de non-responsabilité

Cette note a été préparée par le cabinet JACQUES ELIE LEVY AVOCAT à des fins exclusivement informatives. Elle ne constitue ni un avis juridique ni une consultation au sens de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Les informations qu’elle contient reposent sur l’état du droit à la date de publication et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient se substituer à une analyse au cas par cas de chaque situation. Le cabinet ne saurait être tenu responsable des décisions prises sur la seule base de la présente note.Le cabinet JACQUES ELIE LEVY AVOCAT se tient à la disposition du lecteur pour examiner, le cas échéant, la problématique juridique particulière qui l’occupe et lui fournir un accompagnement adapté.

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